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Corail

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Les coraux ont longtemps intrigué les naturalistes. Fallait-il le classer dans l’un ou l’autre règne : minéral, végétal ou animal ? Par la multiplicité de leurs formes et de leurs structures, ils semblaient rebelles à toute tentative de classification. Au toucher, ils avaient une consistance nettement minérale tandis que leurs formes évoquaient des arbustes ou des fleurs. Il fallut du temps aux naturalistes pour comprendre que les coraux étaient le fruit d’une étonnante symbiose entre des animaux et des végétaux microscopiques. Le maillon de base de l’édifice est le polype, minuscule animal au corps mou de forme cylindrique et dont l’orifice oral s’orne d’une couronne de tentacules.

Le corail est à la fois, animal, végétal et minéral. Il existe des coraux rouges, bleus, noirs, etc.

Les coraux forment des colonies et certains organisent leur existence avec des algues symbiotiques : les zooxanthelles. Ces algues brunes sont munies d’un flagelle locomoteur qui leur permet de nager. Par leur pigments chlorophylles et caroténoïdes, celles-ci confèrent leur couleur aux coraux. Ces zooxanthelles s’installent dans le cytoplasme des cellules des polypes et y effectuent la photosynthèse, la structure translucide du polype ne gênant en rien l’arrivée abondante de lumière. La densité de Zooxanthelles peut être extraordinaire, avec des densités variant généralement entre 1 à 5 millions d’algues unitaires par cm2 dans les tissus des coraux.

Naturellement, les polypes bénéficient des matériaux élaborés par la photosynthèse dont ils se nourrissent. En outre, les zooxanthelles interviennent directement dans la construction du récif. Elles absorbent le gaz carbonique en le prélevant dans l’eau de mer. Du coup le bicarbonate de calcium dissout précipite sous forme de calcium insoluble, lequel forme le squelette minéral des coraux. Le squelette protège à son tour des prédateurs les zooxanthelles qui ont contribué à édifier le squelette du corail. Sans le rôle décisif des zooxanthelles, la survie du polype en haute mer serait gravement compromise car il ne pourrait se suffire des faibles quantités de zooplancton du milieu marin. Il exige une eau très claire pour se développer.

Construction du squelette

Le squelette minéral est composé de carbonate de calcium (calcite 90% du poids du corail), comprenant également du magnésium, fer, potassium, sulfate, phosphate, silicate et de la matière organique. La couleur du squelette est variable selon les régions, du rouge sang jusqu’au blanc. Il est créé par des pigments caroténoïdes. Sa densité et sa couleur dépendent de l’intensité des courants marins auxquels il est exposé.

La macrodureté est de 3,5 et la densité est comprise entre 2,6 et 2,7. Le corail est bien évidemment attaqué par les acides, avec effervescence. Sa fluorescence sous la lumière noire est d’une intensité variable, souvent faible.

Nutrition

Le corail puise sa nourriture dans la masse d’eau, mais il n’a pas, comme les éponges, de système de pompage permettant d’aspirer les particules nutritives vers la bouche. Le corail est un ‘filtreur passif’ : le réseau dense des tentacules pennés des polypes épanouis forme un filtre efficace, qui doit être alimenté par des courants. Les cavités internes des polypes communiquant entre elles, les produits de la digestion profitent au reste de la colonie.

Reproduction, Croissance et Longévité

Le corail se reproduit par voie sexuée, les colonies étant hermaphrodites. La fécondation est externe et l’œuf donne naissance à une larve ciliée qui se fixe sur un substrat dur et donne un petit polype qui forme par bourgeonnement une colonie.

La maturation des gonades dure un peu plus de deux ans chez les femelles et un an chez les mâles. Le corail rouge commence à être fertile à une très petite taille : toutes les colonies sont fertiles à 30 mm de haut, tandis que certaines le sont déjà à 15 mm. Toutefois, ces minuscules géniteurs peuvent être âgés de 10 ans !

Le corail rouge se multiplie aussi par voie asexuée par bourgeonnement. Sa croissance, très lente, varie entre 2 et 8 millimètres par an. Certaines espèces sont connues pour pousser de 25 cm par an dans la nature. D’autres vivent à plus de 1000 m de fond dans le Pacifique et peuvent atteindre plus d’un mètre de haut avec un poids de plusieurs dizaines de kg.

Lors de certains stress, les coraux expulsent ces Zooxanthelles ainsi que leurs pigments colorés, et nous observons alors un blanchiment des récifs qui est mortel si la situation causant le stress dure plus de quelques jours.

Les différents types de coraux

Le genre corallium se trouve dans la plupart des mers tropicales et subtropicales. 5 espèces vivent dans l’océan atlantique et une dans la mer
méditerranée.

Le genre Corallium a été créé par Cuvier en 1797 pour le corail rouge de Méditerranée (Coralluim Rubrum). Ce genre comprend 19 espèces distribuées en Atlantique, en Méditerranée, dans l’océan Indien et le Pacifique, la plupart à grande profondeur. Seul Corallium rubrum est côtier en Méditerranée.

Ce corail a, le plus généralement, un exosquelette rouge vif mais celui-ci peut aussi être décoloré et devenir rose ou même blanc. Récolté (entre autres) en France, le Corallium Rubrum que l’on surnomme « sang de bœuf » est l’un des plus beau au monde.

Présent en méditerranée depuis 80 millions d’années, le corralium rubrum vit sur les côtes rocheuses en groupe de colonies entre 20 et 600 mètres de profondeur dans des eaux entre 17 et 20°C. Cette espèce n’aime pas la forte lumière et on la trouve soit dans des grottes sous-marines, soit à une certaine profondeur.

Le corail rouge de méditerranée, invertébré à structure coloniale, est constitué de nombreux petits polypes blancs de quelques millimètres de haut répartis autour d’un squelette calcaire rouge intense qui seul subsiste après la mort de la colonie.

Le corail rouge est extrêmement sensible à son environnement. En 1999, on a estimé jusqu’à 90% de mortalité dû à une élévation de la température inhabituelle et excessive jusqu’à 40 mètres de profondeur (en méditerranée).

La récolte du Corail

Le corail rouge est récolté depuis le paléolithique. A l’époque, les plongeurs descendaient en apnée.

Au Xème siècle, les arabes inventèrent un engin de pêche qui révolutionna la profession. Deux gros billots de bois, fixés perpendiculairement et garnis à chaque extrémité de filets, sont immergés et traînés en profondeur. Lesté d’une grosse pierre, le lourd appareil racle les roches et les décrochent les branches de corail récupérées dans les filets. Cet engin finira par porter le nom de « croix de saint-André » sera largement utilisé jusqu’au XXème siècle. Ces méthodes seront interdites dans les années 70-80.

Les corses ont une longue tradition de pêche au corail. A partir du XIème siècle, l’aventure du corail gagne toute la Corse. Aux 14ème et 15ème siècles, les corses avaient obtenu une concession de cueillette sur la côté du corail, dans l’est de l’Algérie.

L’invention des scaphandriers provoque une nouvelle révolution technique. En France, la récolte se fait de mai à novembre en scaphandre autonome à des profondeurs allant de 50 à 100 mètres. Il s’agit d’une activité artisanale à hauts risques. Les pêcheurs ne déstructurent pas les massifs de corail, mais cueillent délicatement les branches à la main ou avec une martelette. Un corailleur effectue en moyenne 180 plongées par saison.

Actuellement, la pêche de cet animal des profondeurs le long du littoral corse  est strictement règlementée. Le nombre de pêcheurs est limité à une dizaine de licences (2008). Ils restent environ ¼ d’heure à 100 mètres de profondeur. Des paliers de plusieurs heures sont nécessaires pour éliminer l’azote accumulé dans l’organisme. Et s’il n’y a rien où ils sont, ils remontent car avec leur lourd harnachement ils ne peuvent pas faire de recherche une fois au fond.

En France, la profession de corailleur est très encadrée. Un corailleur est un inscrit maritime qui doit avoir le certificat d’aptitude à l’hyperbarie classe II ou III mention B option pêche au corail. Il doit aussi obtenir une dérogation pour pêcher en scaphandre, ce qui est normalement interdit. Il doit remplir un carnet de pêche et être assisté en surface par un marin également certifié hyperbare. Le nombre d’autorisations de pêcher le corail accordé annuellement par les Directions Régionales des Affaires Maritimes est décidé après consultation des représentants de la profession.

Aujourd’hui, la production annuelle en France est entre 1 à 2 tonnes et 50 tonnes dans toute la méditerranée.

Histoire et symbolique

Les premières traces de l’utilisation du corail par l’homme, sous forme de restes dans des tombes, remonte au Néolithique. On en retrouve les traces peintes dans certaines grottes. Depuis l’antiquité, les hommes ont été fascinés par cette couleur rouge sublime à laquelle ils attribuaient un pouvoir magique et le corail rouge a toujours servi d’amulette, de médicament et de matériau de bijouterie et de décoration de luxe. Ces trois grands types d’utilisation n’ont pas été l’apanage des peuples vivant sur les bords de la Méditerranée, mais ont été au contraire pratiquées très loin de cette mer. Ainsi, dès sa fondation, Marseille a été un grand centre d’exportation de corail rouge vers le monde celte qui en était très friand pour orner les armes et casques.

Les routes commerciales ouvertes par Alexandre vers l’orient ont été empruntées jusqu’à une époque récente par des cargaisons de corail méditerranéen qui servaient de monnaie d’échange pour les épices, la soie ou les perles, que les riches romaines préféraient au corail. Tout au long de ces routes qui partaient d’Alexandrie et dans les régions les plus reculées, on trouve des bijoux utilisant le corail rouge. Les Indes en ont été un très gros importateur, aussi pour la pharmacologie. Il semble même que le prestige de cette denrée augmentait avec l’éloignement de son lieu de récolte. C’est ainsi que le corail méditerranéen est devenu un élément vénéré au Tibet et en Mongolie, où il était un composant majeur des parures des princesses et des masques cérémoniels des chamanes.

En Afrique, le corail rouge est un ornement traditionnel des bijoux berbères de Kabylie et de l’Atlas marocain et il a été exporté bien plus au sud, en Afrique tropicale, où il était réservé à la parure des rois.

Au Moyen-Âge on cachait dans sa bourse un morceau de corail, talisman contre la sorcellerie ! On assurait qu’il rendait les récoltes fertiles et éloignait la foudre des bateaux.

Les noces de corail symbolisent les 11 ans de mariage dans le folklore français.

Coraux & Récifs

Les colonies coralliennes sont les plus vieux animaux vivants du monde. Leur longévité dépasse de loin celle des tortues vivant plus de 210 ans ou de certaines palourdes qui peuvent vivre plus de 405 ans.

Les récifs coralliens, âgés de 5000 ans pour les plus vieux, sont principalement issus de la croissance d’une des familles de coraux, les hexacoralliaires et plus particulièrement de ceux connus aussi sous le nom de sléractiniaires. Ces coraux ont la particularité de croître plus ou moins rapidement en fonction de leur espèce, selon un grand nombre de formes allant du plateau aux enchevêtrement de branches pointues en passant par les cônes, les formes de
Laitues, les boules, les colonnes, les encroûtants… Ils sont dits ‘Constructeurs de récifs’ en raison du squelette calcaire qu’ils fabriquent et qui finit par constituer les récifs en eux-mêmes. Les coraux sont souvent décrits comme des colonies, en raison des centaines ou des milliers de polypes qui les constituent. Ces colonies coralliennes fournissent abris et nourriture à une incroyable diversité de formes animales, et, de part leur capacité à transformer la lumière en couleurs parfois fluorescentes, elles constituent d’immense joyaux vivants.

D’environ 1800 kilomètres de long sur 70 de large, la grande barrière de corail qui protège la côte nord-est de l’Australie est le plus grand ensemble récifal de la planète.

Différents types de récifs :

  • Les récifs barrières résultent du développement du récif vers le large et qui s’accompagnent de la formation d’un lagon.
  • Les atolls se forment à partir de récifs frangeants ceinturant une île volcanique qui s’est effondrée sous le niveau de la mer.
  • Les récifs plate-forme ou bancs coralliens formés par de larges édifices récifaux se développent à moins de 20 mètres de profondeur.

Joaillerie

Le corail rouge, que l’on peut trouver par exemple en Méditerranée, n’a rien de comparable avec les coraux des mers chaudes que l’on trouve même a faible profondeur et, qui ont une valeur marchande en décoration principalement. Il se travaille comme une pierre dure contrairement aux coraux qui sont pleins de porosités et ne permettent pas l’élaboration de sculptures.

Plusieurs étapes sont nécessaires à l’élaboration de bijoux et de sculptures :

  • Le corail est lavé à l’aide d’eau de javel.
  • On découpe ensuite des tronçons à la scie circulaire sous un filet d’eau.
  • Leurs contours sont ensuite régularisés par meulage.
  • Le corail se travaille avec certains instruments utilisés par les dentistes tels que les forets, fraises, scies à eau, meules et polisseuses, le corail ne se travaillant pas à sec.
  • Toutes les pièces, sauf les boules, sont percées avant de subir leur élaboration à la main.
  • Le polissage, enfin, donne au corail tout son éclat…

Le corail apparaît très tôt dans l’histoire des pierres précieuses ou semi-précieuses.

Le corail acheté aux corailleurs méditerranéens, mais aussi dans le Pacifique, y est taillé par un grand nombre d’entreprises avant d’être revendu aux bijoutiers à un prix qui varie beaucoup selon la grosseur des pièces et leur qualité. Pour un corail de première qualité avec une superbe couleur rouge, une perle de 15 mm de diamètre peut valoir jusqu’à 1500 euros pièce (2008).

En Italie, les hommes arborent toujours de petites cornes sculptées en corail, et les femmes des boules. Les bijoux en corail ont été fort à la mode en Occident, de la Renaissance au milieu du XXe siècle.

Une espèce « surveillée »

L’exploitation du corail rouge est souvent du même type que celle d’une mine : on recherche et on découvre un site corallifère, on l’exploite, avec parfois une ruée vers cet or rouge, puis le gisement s’épuise et on abandonne le site. Dans certains cas, on oublie même sa localisation, comme pour les gisements des îles du Cap Vert ou de l’Algarve.

Toutefois, le corail rouge est une ressource vivante, donc renouvelable… très lentement étant donné son taux de croissance très faible. Une bonne gestion doit tenir compte de cette particularité, donc limiter l’effort de pêche (nombre de licences, quotas, taille minimale) et instituer un système de jachère. Il faudrait aussi avoir une bonne évaluation de la ressource disponible, ce qui est très difficile étant donné le mode de vie du corail rouge et sa répartition en taches.

En Corse, les pêcheurs corailleurs regroupés en une association ont décidé avec l’Administration Régionale des Affaires Maritimes de limiter leur nombre, de ne pas récolter au dessus de 50 m de profondeur et de mettre en place un système de jachères.

Le corail rouge n’est pas une espèce en danger, même si son exploitation tend à éliminer une part importante des stocks. Cette affirmation peut paraître paradoxale, mais s’explique par le fait que le corail rouge devient fertile dès qu’il atteint 2 à 3 cm de haut, une taille qui n’a aucune valeur commerciale. Ceci explique pourquoi on continue de voir du corail en abondance sous forme de petites branches à quelques mètres de profondeur dans la région marseillaise, où il est pêché depuis 2500 ans et qui est très fréquentée par les plongeurs. Toutefois, il faut instituer des sanctuaires permanents sans aucune pression humaine pour que le corail rouge puisse se développer au fil des siècles jusqu’aux tailles maximales que l’espèce est capable d’atteindre. En France, il y a du corail rouge dans des réserves marines.

Le corail rouge est inscrit à l’annexe II de la convention de Berne et à l’annexe III de la convention de Barcelone, ce qui implique que les stocks doivent être gérés.

Coralliculture

Le corail rouge étant une denrée précieuse et peu accessible, il était tentant d’envisager sa mise en culture, comme on le fait avec succès avec les perles. C’est ce qu’a tenté l’Association Monégasque pour la Protection de la Nature (AMPN) pour mieux connaître les capacités du corail rouge à croître dans un habitat artificiel. Plusieurs grottes artificielles en béton et en polyester ont ainsi été immergées en 1989 et 1993 avec des boutures fixées sur les parois avec du mastic. Ces boutures ont survécu et ont produit des colonies juvéniles autour d’elles. Mais leur croissance dans ces appartements monégasques n’a pas été plus forte que dans les grottes naturelles.

Pour en savoir plus

Le Corail en Méditérannée
Textes réunis par
Michel Vergé-Franceschi
Antoine-Marie Graziani

Editions Alain Piazzola
Le corail